Noms de domaine : le grand saut

Il existe actuellement 302 extensions de noms de domaines, dont 280 géographiques et 22 génériques. Forte de ce constat, l'ICANN a décidé unilatéralement qu'il fallait augmenter de façon drastique le nombre de ces extensions en ouvrant un processus de création inédit de par son ampleur.

Du 12 janvier au 30 mai 2012, tout le monde a pu faire une demande pour sa propre extension de nom de domaine. Pour limiter leur nombre (on s'en tiendra à cette explication simpliste), le prix du billet d'entrée a été fixé à 185 000 $, soit près de 150 000 euros. Les grandes marques se sont ruées sur ce marché pour proposer leur propre nom (.google, .volkswagen, et beaucoup d'autres).

L'Oréal est une marque intéressante dans cette course, puisqu'elle n'est pas un acteur du web. Cependant, elle a fait une demande pour son nom (.loreal), y compris en chinois (.欧莱雅), ses marques (.garnier, .lancome, .maybelline), ainsi que pour des mots génériques (.beauty, .hair, .skin). En tout, 14 demandes ont été déposées par L'Oréal.

D'autres marques indiquent leurs principaux marchés d'expansion, comme Amazon qui a déposé 76 demandes, dont .クラウド , ファッション et .通販 (nuage ou cloud, mode et vente par correspondance en japonais), .食品 (nourriture en chinois), .mail (sept concurrents), .movie (huit concurrents), .music (huit encore), .search (quatre sur le coup), .tunes, .wow (ils sont trois en lice).

Google est aussi présent avec pas moins de 101 demandes via sa filiale Charleston Road Registry Inc. Parmi celles-ci, on trouve :

• des valeurs familiales : .baby, .dad, .family, .home, .kid, .love, .mom
• des médias : .film, .fun, .game, .hangout, .lol, .mov, .movie, .music, .play
• des moyens de transport : .car, .fly, .moto
• des études : .mba, .phd, .prof
• des technologies : .boo (le prochain langage de programmation à la mode ?), .cloud, .rsvp (Resource Reservation Protocol)
• du business : .corp, .gbiz, .gmbh, .inc , .llc, .llp, .srl
• de l'internationalisation : .グーグル et .谷歌 (Google en japonais et en chinois) et .みんな (tout le monde en japonais), .guge (Gǔgē étant la transcription en pinyin de Google China), donc l'anglais reste la priorité
• des inclassables : .med (médecine ?), .soy (le soja ?)

D'autres acteurs sont intéressés

Les communautés culturelles et linguistiques du monde entier attendent avec impatience l'ouverture de nouvelles extensions, tant en Europe avec l'Eclid, qu'en Russie avec le Ruclid ou ailleurs. Les Bretons (.bzh) regardent avec envie le succès du .cat catalan lancé en 2006, tout comme les Basques (.eus), les Galiciens (.gal), les Écossais (.scot) et les Gallois (.cym).

Le mouvement fait des émules avec les Yakoutes (.sakha) et les Tatars (.tatar), les communautés irlandaises (.irish), kurdes (.kurd) et corniques (.ker).

De grandes villes se sont associées pour avoir leur propre extension, comme Paris, Berlin, Madrid, Tokyo ou Ottawa qui requièrent leur cityTLDs. Des régions s'y mettent aussi, telles l'Andalousie (.and), la Sarre (.saarland) ou la communauté valencienne (.val).

Far West virtuel

L'ICANN avait jusqu'ici des difficultés à lever des subsides et vivait de redevances prélevées sur les registraires qu'elle chapeaute (Network Solutions et autres). Forte d'un capital renouvelé de 357 millions de dollars auquel s'ajoutera un prix annuel de 25 000$ par extension validée, elle vit dorénavant dans la zone grise du conflit d'intérêt, puisqu'elle se finance sur l'industrie qu'elle prétend gouverner.

Le nouveau territoire qu'elle va bientôt créer de toutes pièces, ces 1 900 extensions, sont autant de concessions minières comme au temps du Far West. Les seuls à s'enrichir dans cette ruée vers l'or sont comme d'habitude les vendeurs de pelles et de pioches, ici l'ICANN qui loue les concessions après un prix d'entrée exorbitant.

Source (pdf, en anglais).

Domain names: the big leap forward (en anglais)
Nombres de dominio: el gran salto adelante (en espagnol)
Nomes de domínio: o grande salto adiante (en portugais)